
Lettre d’information franco-allemande | Été 2025
Par le biais de cette lettre d’information bilingue, rédigée par l’équipe franco-allemande de GGV Avocats – Rechtsanwälte qui a pour vocation de conseiller les entreprises dans leur relations transfrontalières, nous souhaitons vous tenir informés de l’actualité juridique et fiscale française et internationale.
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SOMMAIRE:
- IMMOBILIER – Les obligations essentielles du bailleur réaffirmées par la Cour de cassation
- CONSTRUCTION – L’élément d’équipement à vocation exclusivement professionnelle est exclu de la garantie décennale
- MARCHES PUBLICS -Droit au paiement des travaux supplémentaires en cas de demande verbale de ces travaux
- CORPORATE – Obligations de déclaration des bénéficiaires effectifs et accès aux Informations au RNE
- DROIT SOCIAL – Transparence salariale : transposition prochaine de la directive européenne
- DROIT SOCIAL – Retirer au salarié en arrêt maladie ses dossiers, ses outils de travail et ses moyens d’accès à l’entreprise est constitutif d’un licenciement verbal
- DROIT SOCIAL – DATA – Données à caractère personnel : Attention à la preuve illicite et au droit d’accès du salarié aux courriels professionnels
- COMPLIANCE – Rapport d’activité de l’Agence française anticorruption 2024
IMMOBILIER – Les obligations essentielles du bailleur réaffirmées par la Cour de cassation
L’article 1170 du Code civil dispose que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Pour le bailleur, deux obligations peuvent être considérées comme essentielles, impliquant qu’aucune clause ne peut l’en exonérer. La première obligation essentielle est celle de délivrance (Civ. 3ème, 1er juin 2005, n° 04-12.200). La seconde obligation essentielle pesant sur le bailleur est celle qui l’oblige à assurer au preneur une jouissance paisible.
Deux arrêts rendus cette année par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation sont venus réaffirmer le caractère impératif de ces deux obligations.
Dans le premier arrêt (Civ. 3ème, 10 avril 2025, 23-14.974), de censure partielle, le juge du droit réaffirme le caractère essentiel de l’obligation de délivrance incombant au bailleur.
Dans l’affaire, objet de l’arrêt étudié, le bail (de locaux à usage de bureau) comportait une clause aux termes de laquelle le locataire déclarait renoncer à tous recours pour les dégâts causés dans les locaux loués aux objets mobiliers, marchandises ou matériels quelle qu’en soit l’origine, du fait de la privation de jouissance ou de troubles de jouissance des lieux loués.
Le bailleur estimait ainsi être délié de son obligation de délivrance, alors que le bien loué avait été affecté par des infiltrations d’eau.
Les magistrats d’appel ont suivi ce raisonnement, qui n’a pas emporté la conviction des juges du quai de l’Horloge qui rendent un arrêt de censure.
Après avoir rappelé la teneur des articles 1719 et 1720 du Code civil, le juge du droit affirme, dans un attendu de principe qu’« une clause de non-recours, qui n’a pas pour objet de mettre à la charge du preneur certains travaux d’entretien ou de réparation, n’a pas pour effet d’exonérer le bailleur de son obligation de délivrance ».
Dans la seconde affaire commentée (Civ. 3ème, 19 juin 2025, 23-18.853), à la suite de désordres en provenance des parties communes de la copropriété, il était nécessaire de faire des travaux de reprise des faux plafonds dans les locaux privatifs loués.
La Cour de cassation précise que, informée des désordres, la bailleresse devait y remédier et que, « à défaut d’exécuter elle-même les travaux de reprise des faux plafonds, elle était tenue d’avancer à la locataire les sommes nécessaires à leur exécution ».
En effet, le bailleur a « l’obligation de maintenir le local commercial en état de servir à l’usage prévu » (Civ. 3ème, 30 juin 2021, n° 20-12.821).
La cour d’appel n’avait pas voulu indemniser la locataire, estimant que la situation n’était pas liée à une « faute de la société bailleresse ». L’arrêt est cassé, puisque, qu’il y ait faute ou pas, la responsabilité de la bailleresse est automatique, en l’absence de force majeure, en retenant que « les diligences accomplies [par la bailleresse] pour obtenir du syndicat des copropriétaires la cessation d’un trouble ayant son origine dans les parties communes de l’immeuble ne [la] libèrent pas de son obligation de garantir la jouissance paisible des locaux loués ».
Les bailleurs seront avisés de rédiger les clauses relatives aux réparations et aux recours contre le bailleur à la lumière des enseignements de ces deux arrêts.
CONSTRUCTION – L’élément d’équipement à vocation exclusivement professionnelle est exclu de la garantie décennale
Les éléments d’équipement font l’objet de garanties légales potentiellement distinctes de celles de l’ouvrage. A ce titre, ceux dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle ne sont pas soumis aux garanties décennales et de bon fonctionnement. Par arrêt du 06.03.2025, la Cour de cassation a appliqué strictement cette règle, pour écarter l’application de la garantie décennale.
Tout ouvrage construit est soumis aux garanties légales des constructeurs. Les éléments d’équipement n’y échappent pas. En matière de garanties légales, il convient de distinguer entre trois types d’éléments d’équipement :
- Ceux qui bénéficient d’une garantie décennale à l’instar d’un ouvrage (art. 1792-2 C. civ.) ;
- Ceux qui relèvent de la garantie de bon fonctionnement (art. 1792-3 C. civ.) ;
- Ceux qui ne sont ni couverts par la garantie décennale, ni par la garantie de bon fonctionnement (art. 1792-7 C. civ.).
La jurisprudence récente de la Cour de cassation tend à ne plus assimiler tous les éléments d’équipement à l’ouvrage, ce qui a pour effet de ne plus leur appliquer la garantie décennale (cf. notre article sur ce sujet).
L’arrêt de la Cour de cassation du 06.03.2025 poursuit cette évolution pour les éléments d’équipement à usage exclusivement professionnel.
En principe, un élément d’équipement n’est couvert ni par la garantie décennale ni par la garantie de bon fonctionnement, lorsqu’il a pour fonction exclusive de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage (art. 1792-7 C. civ.). Ainsi, c’est le caractère exclusivement professionnel de sa fonction qui est déterminant.
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation devait déterminer si un séparateur d’hydrocarbures qui traite des eaux potentiellement chargées de boues et d’hydrocarbures générées par l’utilisation de la station de lavage, est un élément d’équipement qui a pour fonction exclusive de permettre l’exercice d’une activité professionnelle.
En effet, la société d’exploitation d’une station de lavage automobile avait confié des travaux de réhabilitation de voirie et de réseaux à un constructeur. A la suite de débordements d’eaux non filtrées sur la piste de lavage, le maître d’ouvrage a assigné le constructeur sur le fondement de la garantie décennale en demandant indemnisation.
La cour d’appel a admis la responsabilité décennale du constructeur. Elle a considéré que les travaux de voirie et de réseaux participaient à la réalisation d’un ouvrage et que le séparateur d’hydrocarbures avait été installé dans le cadre de ces travaux. L’élément d’équipement, à savoir le séparateur d’hydrocarbures, n’avait donc pas exclusivement pour fonction de permettre l’exercice de l’activité de station de lavage.
Cependant, la Cour de cassation a cassé l’arrêt. Elle a jugé que ce séparateur d’hydrocarbures avait bien une vocation exclusivement liée à l’exercice d’une activité professionnelle, en l’occurrence celle de la station de lavage, puisque le séparateur n’avait vocation qu’à traiter des eaux potentiellement chargées de boues et d’hydrocarbures générées par cette activité de lavage. En conséquence, cet élément d’équipement n’entrait pas dans le champ d’application de la garantie décennale.
Conseil de GGV : ce mouvement jurisprudentiel incite les constructeurs et les fabricants d’éléments d’équipement à définir en amont de la conclusion du marché de travaux à quelle garantie légale leur élément d’équipement est soumis, afin de souscrire la police d’assurance adéquate.
MARCHES PUBLICS – Droit au paiement des travaux supplémentaires en cas de demande verbale de ces travaux
Dans une décision du 17.03.2025, le Conseil d’État s’est prononcé sur le droit du constructeur au paiement de travaux supplémentaires dans le cadre d’un marché public de travaux à prix global et forfaitaire.
En l’espèce, l’entreprise de construction a engagé une procédure contre l’office public de l’habitat en sa qualité de maître d’ouvrage pour obtenir le paiement de travaux supplémentaires. L’office public de l’habitat contestait devoir payer ces travaux, au motif qu’ils n’avaient pas fait l’objet d’un ordre de service régulier, comme l’exige le cahier des clauses administratives générales (CCAG).
Or, selon le Conseil d’État, la réalisation des travaux sur demande, même verbale, du maître d’ouvrage ou du maître d’œuvre, ouvre droit à rémunération même si la demande n’a pas pris la forme d’un ordre de service notifié conformément au CCAG.
En revanche, si le constructeur réalise des travaux supplémentaires de sa propre initiative, il n’a droit au paiement que si ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.
Conseil de GGV : les demandes de travaux supplémentaires font souvent l’objet d’échanges uniquement oraux dans la pratique. Nous recommandons aux parties et notamment au constructeur de garder une trace écrite de ces demandes, afin d’éviter tout litige ultérieur.
CORPORATE – Obligations de déclaration des bénéficiaires effectifs et accès aux Informations au RNE
Radiation d’office en cas de non-respect des obligations de déclaration des bénéficiaires effectifs
La loi du 13 juin 2025, visant à renforcer la transparence des sociétés et à lutter contre le narcotrafic, introduit des mesures strictes concernant la déclaration des bénéficiaires effectifs. Depuis le 15 juin 2025, les sociétés et entités qui ne respectent pas leur obligation de déclarer ou de mettre à jour les informations relatives à leurs bénéficiaires effectifs risquent une radiation d’office du Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).
Cette sanction intervient après un délai de trois mois suivant une mise en demeure par lettre recommandée.
Le greffier du tribunal de commerce est habilité à procéder à cette radiation, qui peut être rapportée sous certaines conditions, permettant ainsi la réactivation de la société après régularisation.
Il est important de noter que, selon les articles L. 561-2 et L. 561-36 du Code monétaire et financier, certaines entités, notamment les organismes financiers et les institutions soumises à des obligation de lutte contre le blanchiment d’argent, signalent au greffier du tribunal de commerce toute divergence qu’elles constatent entre les informations relatives aux bénéficiaires effectifs mentionnées à l’article L. 561-46 et les informations sur les bénéficiaires effectifs dont elles disposent, y compris l’absence d’enregistrement de ces informations, dans la mesure où cela s’inscrit dans l’exercice normal de leurs contrôles.
Accès aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs au Registre National des Entreprises (RNE)
Les informations, à l’exception des documents comptables confidentiels et des données sur les bénéficiaires effectifs, sont disponibles gratuitement sous forme électronique pour le public. Cependant, l’accès complet est réservé à certaines autorités et professions, telles que les commissaires de justice et les notaires, pour l’exécution de leurs missions.
Un décret du 28 mai 2025 élargit l’accès aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs au Registre National des Entreprises (RNE). Désormais, la Direction générale des entreprises et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont accès à l’intégralité des informations inscrites au RNE.
Ces évolutions législatives et réglementaires soulignent l’importance de la conformité et de la transparence pour les entreprises, tout en renforçant les outils de contrôle et de régulation à disposition des autorités compétentes. Les sociétés doivent donc être vigilantes quant à leurs obligations déclaratives pour éviter des sanctions potentiellement lourdes.
DROIT SOCIAL – Transparence salariale : transposition prochaine de la directive européenne
La Directive européenne 2023/970 du 10.05.2023, qui vise « à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit », doit être transposée en droit français au plus tard le 07.06.2026.
La directive prévoit, parmi d’autres mesures, les suivantes :
- En cas de recrutement, l’employeur potentiel doit fournir aux candidats à un emploi des informations sur la rémunération initiale ou la fourchette de rémunération initiale, sur la base de critères objectifs non sexistes, correspondant au poste concerné (article 5 de la directive) ; il lui est par ailleurs interdit de demander au candidat à l’emploi le montant de la rémunération qu’il perçoit au titre de son poste actuel et de ses postes passés (article 5)
- Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’employeur doit rendre accessible les critères qui sont utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression de la rémunération, ces critères devant être objectifs et non sexistes (article 6)
- L’employeur doit fournir au salarié en poste, sur demande de ce dernier et dans un délai de 2 mois, des informations sur son niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens, ventilées par sexe, pour les catégories de salariés accomplissant le même travail ou un travail de même valeur que le sien (article 7)
- L’employeur doit informer ses salariés, une fois par an, de leur droit de demander des informations sur leurs rémunérations (article 7).
La transposition de la Directive 2023/970 devrait également aboutir à une refonte de l’index égalité professionnelle femmes/hommes. L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à cet index sera échelonnée en fonction de l’effectif des entreprises.
GGV recommande aux entreprises de diagnostiquer les écarts de rémunération et, en cas d’inégalités constatées, de prendre les mesures de remédiation appropriées, en anticipation de la transposition de cette directive.
DROIT SOCIAL – Retirer au salarié en arrêt maladie ses dossiers, ses outils de travail et ses moyens d’accès à l’entreprise est constitutif d’un licenciement verbal
Par un arrêt du 11 juin 2025 (n°23-21.819), la chambre sociale de la Cour de cassation a estimé que le fait pour un employeur de demander au salarié en arrêt maladie de lui rendre son véhicule de fonction, les clefs et badges de l’entreprise et ses dossiers professionnels « manifeste sa décision irrévocable de rompre le contrat de travail ».
En l’espèce, un salarié contestait son licenciement pour inaptitude, en arguant que la rupture de son contrat de travail était intervenue dès le début de son arrêt maladie, l’employeur lui ayant demandé de lui restituer son matériel de travail.
La Cour d’appel de Chambéry avait toutefois retenu que le salarié ne démontrait pas que ses accès informatiques et à la messagerie avaient été interrompus. Elle avait retenu qu’il avait notamment, après avoir restitué son matériel, envoyé des courriels dans lesquels il se présentait comme « directeur d’exploitation encore à ce jour », ce qui, selon elle, démontrait qu’il n’estimait pas avoir fait l’objet d’un licenciement verbal.
L’arrêt d’appel a été cassé par la chambre sociale de la Cour de cassation, au visa de l’article L. 1232-6 du Code du travail, dont il résulte que, « lorsque l’employeur manifeste la décision irrévocable de rompre le contrat de travail d’un salarié avant l’envoi de la lettre de licenciement, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ».
Au terme de cette jurisprudence, le licenciement verbal n’implique pas nécessairement que l’employeur ait fait part expressément au salarié de sa décision de rompre le contrat de travail. Ses actes ou attitudes peuvent aussi être interprétés comme une rupture du contrat de travail.
GGV recommande en conséquence aux employeurs de prévoir, dans les contrats de travail, qu’en cas de maladie dépassant une durée à définir, le matériel mis à disposition du salarié pour l’exercice de ses fonctions doit être restitué à l’employeur et les accès du salarié seront coupés, pour des raisons de sécurité informatique. Une telle clause permet d’éviter que la restitution du matériel et la coupure des accès, en cas d’arrêt maladie, ne soit interprétées comme constituant un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
DROIT SOCIAL – DATA – Données à caractère personnel : Attention à la preuve illicite et au droit d’accès du salarié aux courriels professionnels
Les employeurs sont confrontés ces dernières années à un enjeu majeur : concilier le droit du travail et la protection des données à caractère personnel. Deux arrêts récents de la Cour de cassation en sont l’illustration.
- Dans un arrêt du 9 avril 2025 (n°23-13.159), la Cour de cassation s’est penchée sur le droit à la preuve et le respect des données à caractère personnel. Dans cette affaire, un salarié contestait son licenciement pour faute grave, fondé sur la suppression de fichiers et dossiers et sur l’envoi sur des messageries personnelles d’e-mails professionnels. L’employeur produisait en justice un constat d’huissier faisant état d’informations issus de logs informatiques et de leur recoupement avec les e-mails envoyés de l’adresse IP du salarié. La Cour d’appel a jugé que ce constat était une preuve licite car l’adresse IP correspondait à une adresse de réseau local, de sorte que ce n’était pas une donnée à caractère personnel.
La Cour de cassation n’a pas suivi cette argumentation : « les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel (…), de sorte que leur collecte (…) constitue un traitement de données à caractère personnel qui n’est licite que si la personne concernée y a consenti ». La preuve était donc illicite car « l’employeur avait traité, sans le consentement de l’intéressé, ces données à une autre fin, à savoir le contrôle individuel de son activité, que celle pour laquelle elles avaient été collectées ».Si cette analyse selon laquelle les adresses IP sont des données personnelles est conforme à sa jurisprudence ainsi qu’à la jurisprudence européenne et à la position de la CNIL, le raisonnement de la Cour de cassation sur la base légale du traitement de données est plus contestable.
En effet, en matière de RGPD, un traitement de données à caractère personnel n’est licite que s’il repose sur une des six bases légales suivantes : le consentement, l’exécution du contrat, l’intérêt légitime, l’obligation légale, la sauvegarde des intérêts vitaux, ou la mission d’intérêt public. En l’espèce, la Cour de cassation a considéré qu’une seule base légale était possible pour le traitement de l’adresse IP du salarié, excluant les autres bases légales de son raisonnement. La CNIL estime, cependant, que dans une relation employeur-salarié, le consentement du salarié ne peut être librement donné du fait de la hiérarchie. En conséquence, les traitements de données personnelles des salariés par l’employeur, lorsqu’ils ne reposent pas sur l’exécution du contrat de travail, sont généralement fondés sur l’intérêt légitime de l’employeur. Il est important de souligner que cet arrêt n’a pas été publié au Bulletin, de sorte qu’il ne doit pas être considéré comme posant une solution de principe.
- Dans un arrêt du 18 juin 2025 (n° 23-19.022), la Cour s’est prononcée sur le droit d’accès du salarié à ses courriels professionnels au titre du droit d’accès à ses données personnelles garanti par le RGPD. Dans cette affaire, un salarié avait demandé à son employeur dossier personnel et lui reprochait de ne pas lui avoir communiqué les e-mails échangés au cours de son emploi. Son but était probablement de se constituer des preuves dans le cadre d’un contentieux prud’homal.
La Cour de cassation a considéré que la messagerie professionnelle d’un salarié – incluant les courriels émis et reçus – constitue une donnée personnelle. A ce titre, le salarié peut valablement en demander la communication sur le fondement de son droit d’accès prévu par le RGPD. Elle a également considéré que l’employeur qui s’abstient de répondre à une telle demande, cause un préjudice au salarié, justifiant l’octroi de dommages-intérêts.
Conseil de GGV : Tout au long de l’exécution du contrat de travail d’un salarié et en cas de rupture, la réglementation relative aux données personnelles s’applique. Il convient donc d’être vigilant notamment en cas de contentieux et de droit à la preuve.
COMPLIANCE – Rapport d’activité de l’Agence française anticorruption 2024
L’Agence française anticorruption (AFA) créée par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Loi Sapin II », est chargée de contrôler l’application par les entreprises privées et les acteurs publics des dispositions relatives à la prévention de la corruption.
L’AFA est en particulier chargée de contrôler que les entreprises d’au moins 500 personnes et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros aient mis en place un programme de prévention de la corruption. Dans son rapport annuel, l’AFA fait état d’une meilleure sensibilisation au risque de corruption des entreprises qui sont assujettis à la loi Sapin II que celles qui ne le sont pas. Elle constate aussi certaines faiblesses récurrentes qui subsistent tel que les cartographies des risques qui restent encore trop génériques, des codes de conduite anticorruption souvent absents des annexes du règlement intérieur ou encore l’absence fréquente d’audits internes et une évaluation insuffisante des tiers (fournisseurs, clients etc..).
En 2024, l’AFA a reçu « 802 signalements, contre 435 en 2023, soit 84 % d’augmentation ». Un chiffre traduisant la place centrale que joue désormais l’agence, en matière de signalement d’actes de corruption et de non-conformités à l’obligation de prévention de la corruption. Dans son rapport, l’AFA indique que 20% environ de ces signalements sont utiles, 17 ont mené à des contrôles et 94 ont mené à des transmissions : 38 % en jonction d’un contrôle ou de la programmation de celui-ci, 37 % à d’autres autorités ou des services tiers, 18 % au parquet et 6 % à d’autres autorités externes de recueil des signalement (AERS). A noter qu’au 30 juin 2025, l’agence a déjà reçu 600 alertes, signalant une tendance toujours croissante.
Par ailleurs, l’agence s’est fortement mobilisée sur la lutte contre la corruption liée au narcotrafic portuaire. Par une analyse comparative, avec les ports de Rotterdam (Pays-Bas), Anvers (Pays-Bas) et du Havre (France), l’AFA indique que les saisies de cocaïne en 2024 ont atteint des records (5,5 millions au port du Havre).
Ainsi, après une multitude de travaux menés auprès d’acteurs portuaires privés ou publics, de nombreuses propositions ont pu émerger notamment une formation obligatoire des acteurs de la sûreté portuaire au risque corruptif, l’assujettissement de toutes les entreprises de manutention portuaire à l’obligation de mettre en place un programme de prévention de la corruption, sans condition de seuil, la création d’un délit de corruption privée en bande organisée.
Ces propositions ont été en partie reprises dans la récente loi du 13 juin 2025 contre le narcotrafic : Désormais les entreprises de manutention portuaire ont l’obligation de mettre en place un programme de conformité anticorruption, quelle que soit leur taille.
Conseil de GGV : Pour se prémunir d’un contrôle AFA et de sanction, GGV recommande aux entreprises de veiller à marketer leur dispositif d’alerte, afin de favoriser la remontée d’information en interne et non auprès de l’AFA, et d’améliorer en continue leur programme de prévention de la corruption, en veillant particulièrement à l’implication de l’instance dirigeante.



