Lettre d’Information franco-allemande | Avril 2021
Par le biais de cette Lettre d’information bilingue, nous souhaitons vous tenir informés de l’actualité juridique et fiscale allemande et française. Cette Lettre est rédigée par l’Équipe franco-allemande de GGV qui a pour vocation de conseiller les entreprises françaises et venant de pays francophones sur le marché allemand, et les entreprises allemandes et de pays germanophones sur le marché français.
Actualités France
- DROIT FISCAL - Aperçu des mesures fiscales de soutien aux entreprises dans le cadre de la crise sanitaire
- DROIT FISCAL - Des précisions sur la caractérisation d’un établissement stable en France
- DROIT DES CONTRATS – DROIT COMMERCIAL - L’annulation du bail commercial entraîne celle du prêt souscrit par le locataire pour son activité
- DROIT DES CONTRATS – DROIT COMMERCIAL - Obligation de sécurité de résultat dans les services de maintenance
- DROIT DES CONTRATS – DROIT COMMERCIAL - Brève - Altération du vin et extension de la responsabilité des produits défectueux
- DROIT SOCIAL – PERIODE COVID19 - Quelques informations concernant les mesures intéressant les entreprises en période de Covid-19
- DROIT SOCIAL - Un salarié peut-il systématiquement refuser d’activer sa caméra en visioconférence ?
- COMPLIANCE - Actualisation des recommandations de l’Agence Française Anticorruption (AFA)
- CORPORATE - Annulation d’une cession de titres pour dol
- CORPORATE - En cas de fusion-absorption, pas de couverture automatique du risque contracté par la société absorbée par la police d’assurance de la société absorbante
- CORPORATE - Brève – Tenue des AG 2021
- DROIT IMMOBILIER – BAUX COMMERCIAUX - PERIODE COVID19- Les loyers impayés en raison de la Covid-19 peuvent ne pas être dus par le locataire
- DROIT IMMOBILIER – BAUX COMMERCIAUX - L’action contre les clauses illégales est imprescriptible quel que soit l’ancienneté du bail commercial
- PROTECTION DES DONNEES - Cookies, cybersécurité des sites web et données de santé : point sur les principaux axes de contrôle de la CNIL pour l’année 2021
Actualités France
DROIT FISCAL - Aperçu des mesures fiscales de soutien aux entreprises dans le cadre de la crise sanitaire
Afin de favoriser la relance de l’économie suite à la crise sanitaire, le Gouvernement français a récemment instauré des aides fiscales pour les entreprises. Ces mesures de soutien reprennent dans une large mesure celles mises en place après l’irruption de la pandémie en 2020.
Les avocats de notre cabinet se tiennent à votre disposition pour vous exposer plus en détail ces dispositifs et éventuellement vous accompagner dans leur mise en œuvre.
Institution d’un crédit d’impôt spécifique au profit des bailleurs
La loi de finances pour 2021 a créé un nouveau crédit d’impôt en faveur des bailleurs qui consentent des abandons de loyers à certaines entreprises locataires au titre du mois de novembre 2020 (Article 20 de la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020). Ce crédit d’impôt plafonné à 800 000 € s’élève à 50% du montant de l’abandon dans la limite des deux tiers du loyer mensuel lorsque l’entreprise locataire compte plus de 250 salariés.
Les bailleurs pouvant en bénéficier sont les personnes physiques domiciliées en France ou les non-résidents « Schumacker », ainsi que les personnes morales de droit privé et de droit public.
Ils doivent avoir réalisé au plus tard le 31 décembre 2021 un abandon définitif de la totalité ou d’une fraction du loyer de novembre 2020. Même si l’Administration fiscale ne l’indique pas, il est conseillé d’établir l’abandon de créance par écrit afin de pouvoir le justifier en cas de contrôle.
L’abandon de loyer n’ouvre droit au crédit d’impôt que s’il est réalisé au profit d’une entreprise locataire de moins de 5 000 salariés, qui n’est pas une entreprise en difficulté au 31 décembre 2019 et n’a pas fait l’objet d’une liquidation judiciaire au 1er mars 2020. En outre, l’entreprise doit avoir fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public en novembre 2020 ou exercer son activité dans un secteur particulièrement touché par la crise (hôtellerie, restauration, cinéma, magasins de souvenirs…).
L’Administration fiscale précise que la pratique du click & collect ne remet pas en cause le droit au crédit d’impôt. Pour les cas où il existerait des liens de dépendance entre le bailleur et le locataire, le bailleur doit être en mesure de justifier des difficultés de trésorerie de la société locataire.
En règle générale, le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés de l’année au cours de laquelle l’abandon a été consenti. Néanmoins, en cas de déficit ou d’exonération d’impôt sur les sociétés, l’entreprise possède une créance sur l’Etat qu’elle peut céder à une banque ou se faire remboursement de manière anticipé. Dans les deux cas, cela permet aux bailleurs d’obtenir rapidement de la trésorerie.
Faculté de remboursement anticipé des crédits d’impôts
Suite à l’épidémie de Coronavirus, une procédure de remboursement anticipé des crédits d’impôts avait été instaurée en France dès 2020 pour répondre aux difficultés économiques des entreprises. Par un communiqué de presse du 3 mars 2021, le Ministère de l’Économie indique que cette procédure exceptionnelle est reconduite pour 2021 dans les mêmes conditions (Communiqué n°725 du 2 mars 2021).
Concrètement, elle permet aux sociétés qui bénéficient de crédits d’impôt restituables en 2021 d’en demander le remboursement dès à présent sans avoir à attendre le dépôt de leur déclaration de résultats.
Tous les crédits d’impôt peuvent bénéficier de ce dispositif notamment les crédits d’impôts institués dans le cadre de la crise sanitaire comme le crédit d’impôt au profit des bailleurs qui consentent des abandons de loyers ou encore le crédit d’impôt rénovation énergétique pour les PME.
Afin d’obtenir le remboursement, les entreprises doivent télédéclarer leur demande via leur espace professionnel sur le site impots.gouv.fr.
Le dispositif de remboursement anticipé représente un avantage de trésorerie certain en période de crise sanitaire souvent marquée par une forte baisse des résultats.
Modulation à la baisse des acomptes d’impôt sur les sociétés
Le communiqué du 2 mars 2021 prévoit également la possibilité pour les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés de moduler à la baisse le montant de leurs acomptes trimestriels.
En principe, le montant des acomptes est déterminé en fonction du résultat du dernier exercice clos et qui a été déclaré à la date d’échéance. Ainsi, les acomptes pour 2021 sont calculés sur la base du résultat 2020 à l’exception du premier acompte dû au 15 mars qui est déterminé selon le résultat 2019.
Avec cette mesure d’assouplissement, les entreprises peuvent anticiper la baisse de chiffre d’affaires subie en 2020. En effet, elles ont pu verser le 15 mars un premier acompte représentant 25% du montant de l’impôt sur les sociétés prévisionnel de l’exercice 2020. Une marge d’erreur de 10% est tolérée.
En cas d’option pour ce régime, le deuxième acompte dû le 15 juin devra être calculé de telle sorte que les deux premiers acomptes représentent au moins 50% de l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice 2020.
DROIT FISCAL - Des précisions sur la caractérisation d’un établissement stable en France
A l’occasion d’une décision Société Conversant International Ltd du 11 décembre 2020 (CE plén. 11/12/2020 n°420174 min c/ Société Conversant International Ltd), le Conseil d’Etat a précisé les circonstances permettant de caractériser l’existence d’un établissement stable en France à la fois pour l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Cette affaire soulevait la question de la possibilité d’imposer en France une société irlandaise du secteur de l’économie numérique.
La société Valueclick International Ltd désormais Conversant International Ltd dont le siège est situé en Irlande a fait l’objet d’une vérification de comptabilité. L’administration fiscale, estimant qu’elle exerçait une activité imposable en France via un établissement stable, a procédé à des rappels d’impôt sur les sociétés et de TVA.
Dans les faits, la société de droit irlandais, filiale d’une société américaine, exerçait une activité de marketing digital notamment en France par l’intermédiaire d’une société sœur. Dans le cadre d’un contrat de prestation de service, la société française rendait des services d’assistance administrative et en matière de marketing, de management et de back-office. Sa rémunération prenait la forme d’un remboursement de frais assorti d’une marge de 8% (cost plus 8%).
Impôt sur les sociétés
Au regard de l’impôt sur les sociétés, l’existence d’un établissement stable en France d’une société irlandaise est appréciée selon les règles de l’article 2 de la convention fiscale franco-irlandaise du 21 mars 1968. Ainsi, une société irlandaise est réputée disposer d’un établissement stable en France lorsqu’elle y a une installation fixe d’affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité ou lorsqu’elle agit par l’intermédiaire d’une personne qui exerce en France des pouvoirs lui permettant de l’engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres.
Dans l’affaire soumise, le Conseil d’Etat a jugé que la société Valueclick disposait effectivement à travers sa société sœur prestataire de services d’un établissement stable en France. Eu égard à son rôle, la société française disposait du pouvoir d’engager la société irlandaise dans une relation commerciale.
De fait, elle agissait comme représentant marketing pour la société irlandaise en prospectant les clients français et en commercialisant auprès d’eux les produits de la société. A ce titre, son personnel était en charge de conclure les contrats y compris négocier certaines clauses. Seule la validation grâce à une signature automatique était réalisée par la société irlandaise.
Peu importe alors que les contrats ne soient pas formellement conclus au nom de la société irlandaise, la société française a été considérée comme un agent dépendant concluant des transactions pour le compte de la société étrangère. Dès lors, elle doit être regardée comme l’établissement stable de la société irlandaise et par suite entraîner son imposition en France.
Cette décision étend considérablement les cas d’imposition en France des sociétés étrangères. En effet, un établissement stable peut être caractérisé dès lors qu’au regard des circonstances de faits, une société française a la faculté de conclure des contrats pour le compte d’une entité étrangère.
Taxe sur la valeur ajoutée
En matière de TVA, l’existence d’un établissement stable emportait des conséquences sur le lieu de rattachement des prestations de services au siège de l’activité économique ou à l’établissement stable.
Un établissement stable redevable de la TVA est identifié dès lors que les prestations sont fournies par un établissement présentant un degré suffisant de permanence et une structure apte du point de vue de l’équipement humain et technique, à rendre possible de manière autonome la réalisation des prestations de services.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a constaté que la société française, en ce qu’elle disposait du personnel lui permettant de commercialiser les prestations, disposait des moyens humains rendant possible la fourniture de manière autonome des prestations de la société irlandaise. Par conséquent, la société française constituait un établissement stable prestataire de la société irlandaise depuis lequel elle rendait les prestations. Les prestations étaient donc imposables en France.
Cette décision oblige les entreprises non établies en France qui ont recours à des sociétés du groupe situées en France notamment pour la prospection de la clientèle française à examiner avec une attention particulière l’étendue des pouvoirs exercés dans les faits par leurs prestataires de services.
Notre équipe fiscale est à votre disposition pour procéder à l’audit de votre situation fiscale à la lumière de cette jurisprudence.
DROIT DES CONTRATS – DROIT COMMERCIAL - L’annulation du bail commercial entraîne celle du prêt souscrit par le locataire pour son activité
Dans cette affaire, la Cour d’appel de Rennes donne raison au preneur sollicitant l’annulation de son bail commercial pour réticence dolosive de son bailleur. Les juges du fond poursuivent leur raisonnement en faisant une application de la théorie des contrats interdépendants et prononcent subséquemment l’annulation des prêts bancaires souscrits par le preneur pour financer ses besoins en fonds de roulement et d’aménagement desdits locaux, objets du bail commercial.
Cour d’appel de Rennes 09.09.2020 n° 17/03847
D’origine prétorienne, la théorie des contrats interdépendants est aujourd’hui consacrée par l’article 1186 alinéa 2 et 3 du Code civil français suite à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations. Cette disposition est toutefois applicable aux seuls contrats conclus après le 1er octobre 2016. Or, le bail commercial en l’espèce fut signé le 4 novembre 2014 quand le contrat souscrit au titre des prêts bancaires fut signé le 7 novembre 2014.
Sans citer les dispositions de l’article 1186 du Code civil, les juges du fond font ainsi application de la théorie des contrats pour un contrat de crédit attaché à un contrat de bail commercial, théorie pourtant usuellement appliquée par la jurisprudence aux opérations incluant une location financière.
Les juges estiment que les prêts ont été contractés pour les besoins de l’activité devant être mise en œuvre dans les locaux objets du bail commercial. Il est relevé d’une part que les prêts étaient ainsi destinés à financer l’installation de l’activité commerciale et d’autre part que les conditions particulières des prêts mentionnent clairement que ceux-ci sont affectés aux besoins du commerce alimentaire dont les revenus devaient permettre leur remboursement. Les juges du fond concluent à une « opération économique unique et globale » où la nullité du bail commercial pour réticence dolosive entraîne la nullité du contrat de prêt qui a financé les besoins de l’installation.
Sans reprendre la formule de l’article 1186 alinéas 2 et 3 du Code civil, les juges du fond appliquent ainsi en substance les critères posés par le législateur. L’opération en cause représentait un ensemble contractuel, c’est-à-dire une combinaison de contrats qui, tout en conservant leur individualité, concourent à la réalisation de la même opération économique. La banque à qui est opposée l’existence de cet ensemble contractuel en avait connaissance puisque le contrat de crédit prévoyait explicitement que les prêts étaient affectés aux besoins du commerce. Enfin, la bonne exécution du contrat de bail était une condition déterminante du consentement de l’emprunteur à la souscription des prêts.
Pour établir cette interdépendance contractuelle aux yeux des juges du fond, il est donc important de la faire expressément figurer au sein du contrat de crédit accessoirement souscrit au bail commercial. Lors de la conclusion d’un contrat de bail commercial, la destination des locaux dans le contrat doit ainsi expressément viser l’exploitation d’une activité commerciale déterminée. Réciproquement, lors de la souscription d’un prêt aux fins de financement de cette activité commerciale devant se réaliser dans les locaux objets du bail commercial, il est important d’établir clairement au sein même du contrat la destination de cet emprunt. L’emprunt est destiné aux besoins de l’activité commerciale devant être mis en œuvre dans les locaux, objets du bail commercial. En outre, il est conseillé de spécifier que les revenus de cette activité commerciale doivent permettre le remboursement de cet emprunt.
DROIT DES CONTRATS – DROIT COMMERCIAL - Obligation de sécurité de résultat dans les services de maintenance
Le droit français distingue entre obligation de sécurité de résultat et de moyens. Une décision de la Cour de cassation du 5.11.2020 (n° 19-10.857) étend l’obligation de sécurité de résultat aux sociétés de maintenance d’une porte automatique d’accès à un parking.
L’enjeu d’une obligation de résultat en droit français est celui de la charge de la preuve : dans le cas d’une obligation de résultat, il existe une présomption de faute du débiteur de l’obligation dès lors que le résultat n’est pas atteint. En revanche, dans le cas d’une obligation de moyens, il appartient à la victime de prouver que l’autre partie a commis une faute.
Si, dans certains domaines comme la pratique sportive, la Cour de cassation a dégagé des critères permettant de déterminer si une obligation de sécurité est de résultat[1], dans d’autres la Cour de cassation décide au cas par cas, secteur par secteur. C’était le cas pour les réparateurs d’ascenseurs, qui sont bien soumis à une obligation de sécurité de résultat[2]. C’est maintenant le cas également pour « celui qui est chargé de la maintenance d’une porte automatique d’accès à un parking ».[3]
Cette décision rappelle l’importance de la bonne connaissance du régime de responsabilité auquel est soumise une activité de services, ainsi que l’importance de la bonne rédaction de l’objet du contrat de service.
[1] Ainsi, dans le cas de la pratique sportive, l’organisateur supporte quant à la sécurité du pratiquant une obligation de résultat lorsque ce pratiquant ne dispose d’aucun pouvoir d’initiative et ne joue qu’un rôle passif dans l’exercice de l’activité (cas du toboggan aquatique et du saut à l’élastique).
[2] Civ. 1re, 15 juill. 1999, 96-22.796, Publié au bulletin.
[3] Civ. 3ème, 1er avril 2009, 08-10.070.
DROIT DES CONTRATS – DROIT COMMERCIAL - Brève - Altération du vin et extension de la responsabilité des produits défectueux
Lorsque des produits chimiques utilisés dans le cadre de traitement des vins ont entrainé une pollution des vins altérant leur goût, la responsabilité du producteur de ces produits doit-elle être retenue ?
Civ. 1ère, 9.12.2020, n°19-17.724.
C’est la question qu’a tranché la Cour de cassation par un arrêt du 9 décembre 2020.
La Cour de cassation considère, sur le fondement de l’article 1245-1 (nouveau) du Code civil, qu’une telle altération des vins par la pollution constitue une atteinte réparable sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Ainsi, le seul fait que le produit ne soit pas nocif pour la santé n’exclut pas la qualification de produit défectueux, notamment si le produit provoque la destruction ou l’altération d’un autre bien. Les juges doivent apprécier le défaut de sécurité du produit au regard de toutes les circonstances, et notamment au regard de la présentation et de l’usage raisonnablement attendu du produit.
Cette décision montre l’importance de prendre en compte le risque lié à la responsabilité des produits défectueux, qui peut être mise en œuvre jusqu’à dix ans après la mise en circulation du produit.
DROIT SOCIAL – PERIODE COVID19 - Quelques informations concernant les mesures intéressant les entreprises en période de Covid-19
Face à la crise du Covid-19 et en raison des nouvelles restrictions s’appliquant désormais dans l’intégralité des départements de la France métropolitaine, le Gouvernement français a décidé de reporter certaines modifications concernant l’activité partielle, de maintenir certains dispositifs exceptionnels en faveur des entreprises et d’actualiser le protocole sanitaire en entreprise.
Le Gouvernement avait, par deux décrets du 26.02.2021, reporté la baisse du taux d’indemnisation des salariés en activité partielle et celle du taux de l’allocation d’activité partielle dont bénéficie l’employeur au 01.04.2021. Ces décrets prévoient une baisse du taux de calcul de l’indemnité d’activité partielle de 70 % à 60 % et une baisse du taux de l’allocation 60 % à 36 %.
La crise sanitaire persistant, la Ministre du Travail a annoncé le 09.03.2021 que ces baisses n’interviendront qu’à compter du 01.05.2021. Les entreprises appartenant aux secteurs protégés et celles accueillant du public et dont l’activité est totalement ou partiellement interrompue bénéficieront également d’un report de la baisse des taux majorés (indemnité et allocation aux taux de 70 %). Les décrets mettant en œuvre ces annonces ont été publiés le 31.03.2021.
Suite aux annonces du Premier Ministre concernant les départements soumis aux nouvelles restrictions, la Ministre du Travail a par ailleurs indiqué dans son communiqué de presse du 22.03.2021 que les entreprises subissant des restrictions d’ouverture ou situées dans ces départements, sous certaines conditions, bénéficient d’une prise en charge à 100 % de l’activité partielle.
Les salariés particulièrement vulnérables à la Covid-19 ou contraints de garder un enfant continuent de bénéficier du dispositif d’activité partielle. Il incombe toujours à leurs employeurs d’en faire la demande. Les taux de prise en charge pour ces salariés ne baisseront, conformément à un décret du 11.03.2021, qu’au 01.06.2021.
Les dispositions exceptionnelles relatives à l’activité partielle et donc les taux de prise en charge mentionnés ci-dessus devraient toutefois prendre fin avec la fin de l’état d’urgence sanitaire qui a été prorogé jusqu’au 01.07.2021 compris.
Le 15.03.2013, le Premier Ministre a annoncé la prolongation de la prime pour l’embauche d’un salarié de moins de 26 ans jusqu’au 31.05.2021, ce dispositif devant prendre fin le 31.03.2021. Pour bénéficier de ce dispositif, l’entreprise doit embaucher en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée de plus de 3 mois, avec une rémunération inférieure ou égale à deux fois le montant du SMIC, et ne pas avoir procédé à licenciement pour motif économique sur le poste concerné depuis le 01.01.2020. Le montant d’aide dont peut bénéficier de l’entreprise est de 4.000 € sur un an pour un salarié à temps plein.
Le même jour, le Premier Ministre a également annoncé le renouvellement de la prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat, dite « prime Macron » d’un montant maximum de 1.000 € par salarié, défiscalisée et exonérée de cotisations sociales, pour 2021. Sous certaines conditions, le montant pourra être porté, selon le Premier Ministre, jusqu’à 2.000 € par salarié. Rappelons que l’employeur n’est pas tenu d’allouer une telle prime à ses salariés.
Le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 du Ministère du Travail a été actualisé le 23.03.2021. Les principales nouveautés concernent les personnes présentant des symptômes et les cas contact, ainsi que le télétravail.
Le Ministère du Travail estimant que « le télétravail peut être considéré comme une des mesures les plus efficaces pour prévenir le risque d’infection » au Covid-19, le protocole national prévoit désormais que, dans les départements concernés par les nouvelles restrictions, « les entreprises définissent un plan d’action pour les prochaines semaines, pour réduire au maximum le temps de présence sur site des salariés, tenant compte des activités télétravaillables au sein de l’entreprise. Ce plan d’action, dont les modalités sont adaptées à la taille de l’entreprise, fait l’objet d’échanges dans le cadre du dialogue social de proximité. En cas de contrôle, les actions mises en œuvre seront présentées à l’inspection du travail. »
Rappelons dans ce contexte qu’il incombe à l’employeur de prendre toute mesure nécessaire pour protéger la santé de ses salariés et donc par conséquent notamment des mesures de prévention requises.
DROIT SOCIAL - Un salarié peut-il systématiquement refuser d’activer sa caméra en visioconférence ?
La crise sanitaire actuelle a donné lieu à la mise en place plus ou moins généralisée du télétravail au sein des entreprises dont les activités sont « télétravaillables » afin de préserver la santé et la sécurité des salariés.
Le travail à distance implique de repenser le mode de fonctionnement des entreprises en substituant notamment les réunions en visioconférence aux réunions « en présentiel ».
L’organisation des réunions en visioconférence génère auprès de certains collaborateurs un refus d’activer la caméra lors desdites réunions.
Ce refus est principalement exprimé au nom du droit à la protection de la vie privée et fait bien souvent référence aux réponses aux questions fréquemment posées sur le télétravail que la CNIL (Commission Informatique et Libertés) a publiées sur son site internet : https://www.cnil.fr/fr/les-questions-reponses-de-la-cnil-sur-le-teletravail.
De manière générale, la CNIL recommande en effet aux employeurs « de ne pas imposer l’activation de leur caméra aux salariés en télétravail qui participent à des visioconférences », estimant que dans la plupart des cas, une participation aux réunions via le micro serait suffisante.
La CNIL, dont l’avis formulé sous forme de questions/réponses n’a pas de valeur juridique ou de caractère contraignant, justifie sa réponse au motif que selon l’article 5.1.c du RGPD, les données personnelles traitées (en l’espèce l’image vidéo d’un salarié) doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées » et que « la diffusion de l’image puisse participer à la convivialité dans une période d’éloignement de ses collègues, le télétravail, particulièrement lorsqu’il est subi en raison de la crise sanitaire, peut porter atteinte au droit au respect de la vie privée, tout particulièrement aux autres personnes présentes au domicile. ». La CNIL indique qu’un salarié doit pouvoir refuser d’activer sa caméra « en mettant en avant les raisons tenant à sa situation particulière », et estime qu’il appartient à l’employeur de justifier de circonstances très particulières, rendant nécessaire la tenue de la visioconférence « à visage découvert ».
La portée de cet avis doit à notre avis être tempérée pour les raisons suivantes :
- Si l’employeur est à même de démontrer que le traitement de l’image de ses salariés via un outil de visioconférence répond à une finalité déterminée, pour laquelle le traitement de l’image de son salarié est nécessaire et qu’il repose sur un intérêt légitime, il peut, en principe, demander à ses salariés de connecter la caméra sans avoir à recueillir leur consentement préalable. Certes l’article 21 du RGPD permet aux personnes concernées (ici les salariés) de s’opposer au traitement de ses données s’il repose sur l’intérêt légitime, mais à la condition de faire état (et de justifier) de raisons qui tiennent à sa situation particulière. Dans ses FAQ la CNIL ne précise pas quelles pourraient être ces « raisons qui tiennent à la situation particulière des salariés», mais laisse entendre que celles-ci seraient inhérentes au télétravail. Si on considère que lorsqu’il est présent sur son lieu de travail, un salarié ne peut pas se retrancher derrière son droit à la vie privée pour assister à une réunion, la seule véritable atteinte devrait ici être celle d’être contraint de dévoiler son environnement personnel. Or, cet argument devrait pouvoir être écarté par la mise à disposition d’un fond d’écran permettant au salarié d’occulter son environnement personnel, ainsi que les autres personnes éventuellement présentes à son domicile.
- En toute hypothèse, quand bien même le salarié se prévaudrait valablement de raisons tenant à sa situation particulière, l’employeur qui serait en mesure de démontrer qu’il existe des « motifs légitimes et impérieux pour le traitement qui prévalent sur les intérêts et les droits et libertés de la personne concernée » pourrait malgré tout continuer à traiter les données, malgré l’opposition du salarié (cf. article 21 du RGPD)
L’objectif auquel répond le recours aux visioconférences au sein d’une entreprise est tout d’abord de permettre la continuité de son activité et de maintenir l’organisation du travail telle qu’elle existait « en présentiel », avec la tenue de réunions d’équipe et d’entretiens individuels entre un salarié et son responsable hiérarchique.
De telles réunions sont indispensables pour le bon fonctionnement de la collectivité de travail et pour permettre au responsable d’une équipe de suivre l’activité de celle-ci et de conserver sa cohésion. De la même manière, les entretiens individuels sont essentiels au suivi du travail et des conditions de travail de chaque collaborateur.
Par ailleurs, en recourant aux visioconférences, impliquant l’activation de la fonction vidéo par les salariés, l’employeur respecte son obligation de sécurité vis-à-vis des télétravailleurs, les prescriptions de l’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020, énonçant à cet égard que :
- « Une vigilance particulière doit être portée à la préservation de la cohésion sociale interne, aux conditions de maintien du lien social entre les collaborateurs, au regard de la distanciation des rapports sociaux, voire de perte du lien social inhérente à l’utilisation des outils de communication à distance. »
- « La prévention de l’isolement participe à la fois de la santé au travail du salarié en télétravail et du maintien du sentiment d’appartenance à l’entreprise. (…) Les temps de travail collectif réguliers sont indispensables. Le salarié en télétravail doit pouvoir alerter son manager de son éventuel sentiment d’isolement, afin que ce dernier puisse proposer des solutions pour y remédier. »
- « Considérant les éventuelles difficultés que le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure peut occasionner pour les salariés, l’employeur porte une attention particulière à l’application des règles légales et conventionnelles relatives à la santé et la sécurité des salariés concernés. »
- « En outre, le manager a un rôle clé dans la fixation des objectifs et la priorisation des activités. L’échange entre le salarié et le manager facilite d’éventuelles adaptations. »
Enfin, si le télétravailleur, a, ainsi qu’en dispose l’article L.1222-9 du Code du travail, « les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise » cela implique que le télétravailleur a également les mêmes devoirs que s’il travaillait dans les locaux de l’entreprise, comme par exemple celui de participer à des réunions et d’assister à des entretiens.
Les salariés ne sauraient par conséquent se retrancher derrière la réponse de la CNIL pour refuser l’activation de leur caméra lors de visioconférences.
COMPLIANCE - Actualisation des recommandations de l’Agence Française Anticorruption (AFA)
L’Agence Française Anticorruption a publié le 12 janvier 2021 une nouvelle version de ses recommandations destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter des faits de corruption. Ces recommandations constituent un référentiel pour les entreprises dans leur mise en conformité à la Loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 ».
Ces nouvelles recommandations annulent et remplacent celles parues en 2017. Trois ans après l’entrée en vigueur de la Loi, elles ont pour but de remédier au constat réalisé par l’AFA en septembre 2020 : peu d’entreprises se sont dotées d’un responsable conformité (48%), d’une cartographie des risques (53%) ou d’une procédure d’évaluation des tiers (39%).
Si ces recommandations n’ont pas valeur obligatoire, l’AFA précise que les sociétés qui s’y conforment bénéficieront d’une présomption simple de conformité au dispositif anticorruption Sapin 2 en cas de contrôle. De plus, ces nouvelles recommandations sont plus longues et plus détaillées que les premières, et cela dans le but d’inciter les entreprises à suivre sa méthodologie.
Les nouvelles recommandations de l’AFA s’articulent sur trois « piliers » : l’engagement de l’instance dirigeante, la cartographie des risques de corruption et la gestion des risques. Elle insiste sur la nécessité d’un « tone from the top » de la part de l’instance dirigeante : la mise en conformité à la Loi Sapin 2 commence par un comportement exemplaire de l’instance dirigeante doublée d’une politique de « tolérance zéro » au sein de l’entreprise.
Concernant la mise en place du dispositif anticorruption, l’AFA insiste dans ses recommandations sur la méthodologie de la mise en place du dispositif anticorruption : la cartographie des risques doit constituer la « pierre angulaire » du dispositif anticorruption. Il est donc essentiel pour les entreprises d’identifier, d’évaluer et de hiérarchiser leurs risques de corruption avant d’adopter un plan d’actions et de mettre en place le dispositif de lutte contre la corruption.
Enfin, concernant le contrôle du dispositif de maîtrise des risques, l’AFA cite des exemples de contrôles de 1er, 2ème et 3ème niveau à mettre en place.
Si ces nouvelles recommandations ne diffèrent pas fondamentalement des premières, les détails qu’elles comportent permettent aux entreprises de comprendre les attentes de l’AFA et soulignent l’utilité d’en suivre la méthodologie afin d’être en mesure de démontrer la conformité de leur dispositif en cas de contrôle.
CORPORATE - Annulation d’une cession de titres pour dol
Comme pour tout contrat, lorsqu’une cession de titre est conclue sur la base d’informations erronées constitutives du consentement de l’acquéreur, ce dernier peut agir en annulation de la cession pour vice de consentement.
En l’espèce, le propriétaire d’une société avait intentionnellement dissimulé à l’acheteur des titres de sa société l’existence d’un litige, exposant cette dernière à devoir verser une forte somme à titre de dommages et intérêts, et avait en outre délibérément omis de provisionner les sommes.
Invoquant un dol, l’acquéreur a assigné le vendeur en annulation de la cession et en réparation de son préjudice.
Dans un arrêt du 13 janvier 2021, la Cour de Cassation rappelle que la dissimulation délibérée à l’acheteur des éléments qui empêchaient ce dernier de pouvoir apprécier la véritable valeur des titres qu’il convoitait constitue une intention dolosive entrainant la nullité de la cession d’actions.
Le dol peut être invoqué par les acheteurs pour remettre en cause l’acquisition qu’ils estiment litigieuse, notamment en raison du manque de loyauté dans la présentation des documents comptables de la société cible.
Au-delà du rappel des conséquences du dol sur la validité d’une cession, cette jurisprudence classique vient souligner l’importance de l’obligation d’informations précontractuelles pesant sur le vendeur et définie à l’article 1112-1 du Code civil.
Ainsi, la transmission seule des comptes annuels à l’acheteur potentiel ne suffit pas et doit, dans le cadre du respect de l’obligation d’information précontractuelle, nécessairement être complétée pour fournir à l’acheteur une image fidèle de la situation économique de la société cible.
CORPORATE - En cas de fusion-absorption, pas de couverture automatique du risque contracté par la société absorbée par la police d’assurance de la société absorbante
Pour rappel, à la suite d’une fusion, le patrimoine de la société absorbée est automatiquement transmis à la société absorbante (art. L 236-3, du Code de Commerce). En conséquence, la société absorbante se substitue donc à la société absorbée dans tous les biens, droits ou obligations de cette dernière.
Ainsi, la société absorbante est responsable des dettes de la société absorbée, et sera tenue responsable des infractions ou manquements commis par la société absorbée avant l’opération de fusion.
Par un arrêt du 26 novembre 2020, la Cour de Cassation exclut toutefois, dans le cadre d’une fusion-absorption, la couverture automatique du risque contracté par la société absorbée par la police d’assurance souscrite par la société absorbante.
En l’espèce, la société Aixia France avait souscrit une police d’assurance, excluant expressément de la couverture « toutes autres sociétés filiales ou concessionnaires ». Peu après, elle absorbe sa filiale, la société Aixia Méditerranée.
Des particuliers en litige avec la société Aixa Méditerranée, société absorbée, assignent la société Aixia France, société absorbante, et son assureur au titre de la garantie décennale.
Condamné par les juges du fond à la prise en charge du dommage, l’assureur forme alors un pourvoi en cassation, soutenant qu’il n’était pas tenu de garantir ce sinistre.
La Cour de Cassation, prend tout d’abord le soin de réaffirmer le transfert de plein droit de la responsabilité civile de la société absorbée à la société absorbante.
Classiquement, elle confirme donc l’arrêt de la Cour d’Appel en ce qu’il condamne la société absorbante au paiement des dettes contractées par la société Aixia Méditerranée, société absorbée.
Elle réfute toutefois l’argument selon lequel un dommage causé par la société absorbée devrait être assurable au même titre que celui causé par la société absorbante et casse l’arrêt de la Cour d’Appel en ce qu’il affirmait la responsabilité de l’assureur d’Aixia France, société absorbante.
Au visa de l’ancien article 1134 du Code civil (désormais l’article 1103 du Code civil), la Cour de Cassation rappelle que la société absorbante ayant contractuellement convenu d’exclure de sa police d’assurance le risque causé par toute autre partie, ladite police d’assurance ne saurait couvrir les dommages causés par sa filiale, et ce, malgré le transfert automatique des créances et dettes nées antérieurement à la fusion, induit par la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée
Ainsi, si la police d’assurance souscrite par l’assuré avant sa fusion n’a pas été reprise par la société absorbante, les dommages causés par la société absorbée pourraient ne pas être assurables.
Afin d’éviter de devoir supporter le risque causé par une filiale l’absorption est envisagée, il est donc impératif, avant toute opération de fusion ou de dissolution sans liquidation, de réviser l’ensemble des contrats d’assurance contractés par la société absorbante.
CORPORATE - Brève – Tenue des AG 2021
Les mesures de simplification des modes de convocation et de tenue des assemblées générales sont prorogées par Décret du 9 mars 2021[1] jusqu’au 31 juillet 2021.
Il est donc encore possible, jusqu’au 31 juillet 2021, de convoquer par tous moyens les participants à l’Assemblée Générale et de tenir cette dernière par correspondance, voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle sans que les statuts n’aient besoin d’être adaptés.
[1] Décret n° 2021-255 du 9 mars 2021, prorogeant les dispositions de l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020
DROIT IMMOBILIER – BAUX COMMERCIAUX - PERIODE COVID19- Les loyers impayés en raison de la Covid-19 peuvent ne pas être dus par le locataire
Plusieurs bailleurs ont entamé des actions en paiement des loyers échus et impayés des locataires au cours de la crise sanitaire de Covid-19. Les juges du fond n’ont pas toujours fait droit à leurs demandes.
L’une des obligations essentielles du locataire d’un bail est de régler le loyer. La crise sanitaire de Covid-19 a cependant conduit à ce que des locataires ne règlent pas le loyer dû.
Plusieurs bailleurs ont introduit des actions en justice pour voir condamner les locataires qui ne réglaient pas leur loyer durant la crise sanitaire. Tous n’ont pas eu gain de cause. Les juges du fond ont plusieurs fois écarté les demandes des bailleurs en paiement du loyer.
Des juges du fond ont estimé que la fermeture administrative de locaux constituait une perte partielle des locaux selon l’art. 1722 C. civ. Cet article permet au locataire de demander une diminution du loyer ou la résiliation du bail en cas de destruction partielle des locaux. Cette destruction partielle vise en principe la perte matérielle des locaux. Or, le Tribunal judiciaire de Paris a, par décision du 21.01.2021, jugé que l’impossibilité juridique d’utiliser les locaux en raison d’une décision administrative constitue une perte qui délivre le locataire de son obligation de payer le loyer.
D’autres juges vérifient si les parties ont agi de bonne foi, eu égard aux circonstances exceptionnelles qui ont modifié les modalités d’exécution du contrat. Par exemple, le Tribunal judiciaire de Paris a, par ordonnance du 21.01.2021 estimé que l’action en paiement du loyer se heurtait à une contestation sérieuse car le locataire avait agi de bonne foi en tentant de négocier une réduction de son loyer.
En revanche, certains arguments développés par les locataires n’ont pas été suivis d’effet.
Des juges du fond ont refusé de voir dans la fermeture administrative des locaux une inexécution du bailleur de son obligation de délivrer un local permettant au locataire d’en jouir selon sa destination contractuelle. De ce fait, le Tribunal judiciaire de Paris a, par jugement du 25.02.2021, jugé que l’obligation de délivrance du bailleur ne l’oblige pas à garantir au locataire la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité. Par conséquent, les locataires ne pouvaient pas, de façon réciproque, ne pas exécuter leur obligation de payer le loyer.
La force majeure n’est pas non plus retenu par les juges du fond. La Cour d’appel de Riom a ainsi, dans un arrêt du 02.03.2021 estimé que la force majeure ne s’applique pas lorsque le locataire a les moyens financiers pour régler son loyer. De plus, selon cet arrêt l’existence de fonds de solidarité et de mesures de report ou d’étalement de paiement des loyers démontre que le législateur ne reconnaît pas le caractère de force majeure de la pandémie.
GGV vous conseille : lorsque des circonstances exceptionnelles modifient les relations contractuelles au point que le locataire éprouve des difficultés à payer son loyer, comme en cas de crise sanitaire de Covid-19, le bailleur et le locataire ont tout intérêt à agir de bonne foi pour tenter de trouver une solution au paiement des loyers impayés.
DROIT IMMOBILIER – BAUX COMMERCIAUX - L’action contre les clauses illégales est imprescriptible quel que soit l’ancienneté du bail commercial
Par jugement du 19.11.2020, la Cour de cassation a décidé que l’art. L. 145-15 du C. com. issu de la loi dite Pinel du 18.06.2014 s’appliquait aux baux en cours. En conséquence, les clauses illégales des baux antérieurs à la loi Pinel et en cours sont réputées non écrites. Les actions contre ses clauses sont imprescriptibles.
La loi Pinel du 18.06.2014 a modifié le statut des baux commerciaux, et notamment l’art. L. 145-15 C. com. La nouvelle version de cet article dispose que certaines dispositions du statut des baux commerciaux sont d’ordre public, et que toute clause qui a pour effet de leur faire échec est réputée non écrite.
Avant la loi Pinel, toute clause contraire aux dispositions d’ordre public du statut des baux commerciaux ne pouvait être qu’annulée par le juge dans un délai de 2 ans à compter de la conclusion du bail. Depuis la loi Pinel, le locataire peut demander à ce que la clause illégale du contrat soit réputée non écrite. La différence entre la nullité et le réputé non écrit d’une clause réside en principe dans la prescription. L’action en nullité est prescrite, alors que l’action tendant à réputer non écrit est imprescriptible.
Cependant, la prescription de l’action du réputé non écrit d’une clause en matière de baux commerciaux n’a, en l’absence de texte, pas été tranchée. La loi Pinel n’a, par ailleurs, pas précisé si la nouvelle version de l’art. L. 145-15 C. com. s’appliquait aux baux en cours au jour de l’entrée en vigueur de la loi.
En l’espèce, le locataire d’un bail conclu avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel a intenté une action en justice pour voir réputer non écrit une clause de révision du loyer, sur le fondement de l’art. L. 145-15 C. com.
La cour d’appel a donné raison au locataire. Le bailleur s’est alors pourvu en cassation. Il a fait valoir que l’action du locataire était prescrite. Pour le bailleur, en l’absence de disposition expresse de la loi, les nouvelles dispositions ne s’appliquent pas aux baux en cours. Partant, le locataire ne pouvait pas demander le réputé non écrit de la clause, mais simplement la nullité qui se prescrit sous 2 ans. A titre subsidiaire, le bailleur arguait que l’action tendant à réputer non écrit la clause litigieuse se prescrit au bout de 2 ans. En tout état de cause, le locataire ayant agi après ces 2 ans, son action devait être jugée irrecevable car prescrite.
La Cour de cassation rejette le pourvoi du bailleur. Elle juge d’une part, que les nouvelles dispositions de l’art. L. 145-15 C. com. s’appliquent aux baux en cours, de sorte que le locataire était en droit de demander le réputé non écrit de la clause illégale. D’autre part, la Cour de cassation juge que l’action tendant à voir réputé non écrit une clause d’un bail commercial est imprescriptible.
GGV vous conseille : l’action tendant à voir réputé non écrites les clauses contraires aux règles d’ordre public du statut des baux commerciaux qui sont favorables au locataire étant imprescriptible, le risque qu’un locataire attaque la validité d’une telle clause en cours de bail est élevé. Lors de la conclusion du contrat, le bailleur doit faire attention aux clauses faisant échec aux dispositions d’ordre public.
PROTECTION DES DONNEES - Cookies, cybersécurité des sites web et données de santé : point sur les principaux axes de contrôle de la CNIL pour l’année 2021
Dans un communiqué publié le 2 mars 2021, la CNIL a précisé les thématiques sur lesquelles elle concentrera ses actions de contrôle dans les mois à venir. Sans grande surprise, outre les données de santé, la CNIL a déclaré qu’elle porterait une attention particulière au respect de la règlementation sur les cookies, ainsi que la cybersécurité des sites web.
Pour rappel, une des missions de la CNIL consiste à veiller au respect de la règlementation (RGPD et loi informatique et libertés) par les organismes publics et privés mettant en œuvre des traitements de données à caractère personnel. C’est dans ce contexte que la CNIL peut être amenée à réaliser des investigations et mener des procédures de contrôle formelles. Si une partie des contrôles fait suite à des signalements ou des réclamations ou est liée à l’actualité, chaque année la CNIL porte son attention sur des thématiques identifiées notamment en raison de leur impact sur la vie privée de nombreuses personnes. Ces thématiques sont portées à la connaissance du grand public et conduisent la CNIL, à l’issue du programme annuel, à communiquer sur les pratiques constatées lors des contrôles réalisés.
La cybersécurité des sites web :
Partant du constat que de nombreux sites web présentent des failles de sécurité, la CNIL a donc décidé de porter une attention particulière aux mesures prises par les professionnels pour sécuriser leur site web.
En effet, comme le note l’ANSSI – Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information – dans ses recommandations pour la sécurisation des sites web : https://www.ssi.gouv.fr/uploads/IMG/pdf/NP_Securite_Web_NoteTech.pdf, les sites web sont par nature des éléments très exposés du système d’information et peuvent éventuellement être utilisés par des individus malveillants comme porte d’entrée vers le système d’information de l’hébergeur ou plus largement de l’entité exploitant le site.
Ainsi, dans le cadre de ses opérations de contrôle, la CNIL s’est fixé pour objectif de « contrôler le niveau de sécurité des sites web français les plus utilisés dans différents secteurs. L’attention sera portée plus particulièrement sur les formulaires de recueils de données personnelles, l’utilisation du protocole HTTPS et la conformité des acteurs à la recommandation de la CNIL sur les mots de passe. »
À cette occasion, la CNIL interrogera également les organismes sur les stratégies mises en place pour se prémunir contre les rançongiciels, le nombre d’organismes publics ou privés touchés par des ransomwares ayant connu une augmentation considérable (+225% depuis 2019 selon un le rapport portant sur l’état de la menace rançongiciels à l’encontre des entreprises et des instituions du centre gouvernemental de veille, d’alerte et de réponse aux attaques informatiques : https://www.cert.ssi.gouv.fr/cti/CERTFR-2021-CTI-001/ ).
C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’en collaboration avec le Ministère de la Justice, l’ANSSI a publié un guide pratique visant à sensibiliser les entreprises et collectivités aux attaques par rançongiciels (« Attaques par Rançongiciels, tous concernés – Comment les anticiper et réagir en cas d’incident ? » : https://www.ssi.gouv.fr/uploads/2020/09/anssi-guide-attaques_par_rancongiciels_tous_concernes-v1.0.pdf ]
Les cookies
Dans la continuité de 2020, la CNIL a annoncé qu’en 2021 elle continuerait à contrôler le respect, par les opérateurs, de la règlementation relative aux cookies.
Cette thématique revêt une importance d’autant plus grande que le délai d’adaptation accordé par la CNIL aux entreprises suite à l’adoption en septembre 2020 de la toute dernière version de ses lignes directrices relatives au cookies: https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/lignes_directrices_de_la_cnil_sur_les_cookies_et_autres_traceurs.pdf arrivait à expiration le 31 mars dernier. Ainsi désormais, la CNIL veillera au dû respect de ses lignes directrices et, plus largement, de la règlementation relative aux cookies découlant en particulier de l’article 82 de la loi informatique et libertés (transposant la directive dite e-privacy) et du RGPD.
Ces lignes directrices, éclairées par les recommandations adoptées concomitamment par la CNIL https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/recommandation-cookies-et-autres-traceurs.pdf posent un certain nombre d’exigences en ce qui concerne :
– la façon dont le consentement des personnes concernées doit être recueilli (consentement exprimé par un acte positif clair)
– la facilité de refus du consentement de son retrait
– l’information préalable au consentement à fournir aux personnes concernées :
– l’obligation des opérateurs d’être en mesure de fournir, à tout moment, la preuve du recueil valable du consentement libre, éclairé, spécifique et univoque de l’utilisateur.
La sécurité des données de santé :
Le RGPD confère aux données de santé un statut particulier en raison de leur caractère sensible. Il en découle que de telles données font l’objet d’une protection particulière afin de garantir le respect de la vie privée des personnes auxquelles ces données appartiennent.
Ainsi, la CNIL s’est fixé comme objectif de contrôler la conformité des traitements de données de santé en particulier en ce qui concerne la sécurité de ces données qui doit être élevé.
Comme le souligne la CNIL dans son communiqué de début mars, cette mission de contrôle relatif à la sécurité des données de santé revêt une importance toute particulière dans le contexte sanitaire actuel de même que face à la numérisation croissante du secteur de la santé.
Il est intéressant de noter sur ce sujet que concomitamment à la diffusion de son communiqué annonçant ses principaux axes de contrôle pour l’année à venir, la CNIL est intervenue dans le cadre d’une fuite massive de données de santé en provenance de laboratoires d’analyses médicaux, dont la presse s’était faite écho. En raison du grand nombre de personnes concernées (plus de 500.000 personnes) ainsi que de la sensibilité des données concernées (données médicales provenant de laboratoires d’analyses), la CNIL a non seulement immédiatement mis en demeure les organismes responsables de se conformer à la règlementation, notamment en ce qui concerne les démarches à réaliser en cas de fuite de données, mais a surtout aussi saisi la justice pour obtenir sans délai la suspension d’un site internet ayant publié un fichier contenant les données en cause (pour en savoir plus : https://www.dalloz-actualite.fr/flash/fuite-massive-de-donnees-personnelles-de-sante. Cette réaction extraordinaire de la CNIL était justifiée par l’atteinte inédite portée aux droits et libertés des personnes et s’inscrivait parfaitement dans sa feuille de route 2021.